Promouvoir le bilinguisme précoce et interviewer une famille bilingue dans chacun des 194 pays du monde… ce sont les défis de Cyrille Hurstel.

Il m’a contacté pour me signaler son article Le tour du monde des bilingues. J’ai commencé à lire son blog et j’ai aimé sa philosophie : apprendre pour aller vers les autres, pour mieux communiquer, pour comprendre la diversité des modes de pensée et des modes de vie.

 

 

Alors j’ai eu envie d’en savoir plus et d’interviewer Cyrille.

Bonjour, peux-tu te présenter ? Bonjour, je suis alsacien et j’aurais naturellement dû être bilingue précoce car notre région a toujours été à la frontière du monde francophone et du monde germanique. Malheureusement, mon bilinguisme précoce a été un échec même si j’ai grandi dans un environnement où le dialecte alsacien côtoyait le français. L’apprentissage scolaire de l’allemand n’a été pour moi qu’un long chemin de croix et beaucoup de souffrance. Quand l’anglais s’est présenté, je me suis rattrapé pour atteindre un bon niveau et travailler au Royaume-Uni. Pour voyager, j’ai appris par la suite, avec plus ou moins de sérieux, plusieurs autres langues comme l’espagnol, le finnois, l’arabe, le turc, l’espéranto et le serbo-croate.

Comment as-tu appris l’esperanto ? Quel usage en fais-tu ? J’ai rencontré l’espéranto en 2003 alors que je militais dans un petit parti politique. Je me souviens très bien de la discussion avec un collègue qui s’est soldée par une information très simple. Il m’a dit

Va voir sur le site ikurso.net, i k u r s o comme cela se prononce car l’espéranto est phonétique.

J’ai un peu navigué sur internet, j’ai lu le site de Claude Piron, j’ai téléchargé le programme ikurso et je me suis inscrit chez espéranto-jeunes pour qu’on m’affecte un correcteur à qui j’envoyais mes exercices. En trois mois, j’avais fait le tour de la formation et j’ai commencé le cours suivant, que je n’ai jamais terminé d’ailleurs. La langue me plaisait et j’ai trouvé sur internet l’annonce d’un week-end d’espéranto qui avait lieu à Oberkirch, en Allemagne, très près de chez nous. Nous avons inscrit toute la famille pour voir ce qui se passait et quelle était l’ambiance. Je me suis rendu compte qu’on pouvait communiquer facilement avec les allemands, même en maitrisant très mal la langue. On pouvait même faire de l’humour alors qu’atteindre ce stade en anglais m’avait pris des dizaines de milliers d’heures.

Tes filles sont bilingues français-esperanto. Comment ont-elles appris l’esperanto ? Mes filles n’ont jamais appris l’espéranto car elles ont grandi avec la langue. Pour comprendre ce miracle, il faut revenir à l’enchainement des évènements. En 2004, mon collègue et moi avons quitté notre parti politique pour rejoindre Bruno Schmitt qui était en trian de monter une liste pour Europe Démocratie Espéranto et participer aux élections européennes. C’était amusant de voir le mélange de gens comme nous, qui avions l’expérience des élections législatives et régionales, avec les espérantophones qui utilisaient la langue mais ne connaissaient rien à une campagne. Toute cette action politique m’a fait rencontrer beaucoup de gens passionnés qui font la promotion de leurs idées, et parmi eux, les gens d’ABCM Zweichprächigkeit qui luttent pour le bilinguisme précoce avec l’allemand en Alsace. Mon épouse et moi avions pris conscience de la puissance du bilinguisme précoce dès 2003 mais nous n’avions pas de moyen de le mettre en oeuvre, jusqu’à ce que nous décidions d’introduire l’espéranto dans la vie des enfants en 2005. A partir de 2006, je me suis exprimé de plus en plus en espéranto au quotidien et nous avons mis en oeuvre notre stratégie. Nous utilisons l’espéranto pour voyager et avoir des contacts privilégiés avec d’autres familles. Nos enfants découvrent d’autres pays, d’autres cultures, d’autres modes de pensée. Nous avons hébergé des hongrois, des japonais, des néerlandais, une chinoise pendant un mois. 6 ans après, je peux dire que les résultats sont tangibles car nos 3 filles sont bilingues français-espéranto et cela tire leur niveau d’allemand vers le haut. Elles ont une approche naturelle de l’allemand alors que leur camarades de classe ne voient la langue que comme une matière ennuyeuse et difficile.

Ta fille est partie seule à l’étranger à 12 ans. Peux-tu nous parler de son expérience ? Rendre nos enfants autonomes et aptes à se déplacer à l’étranger, et notamment en Allemagne, est un vieil objectif que nous nous étions fixé lors de notre mariage. Toutefois, nous n’envisagions la chose qu’à l’âge de 18 ans. A partir du moment où nos filles ont une seconde langue maternelle qui doit être soutenue, et que nous avons des contacts en Allemagne avec des familles qui font la même chose que nous, il était tentant d’accélérer pour profiter de toutes ces années de l’adolescence, durant lesquelles ils débordent d’énergie et sont prêt à prendre des risques. L’idée était de couper notre fille du français en l’envoyant dans une famille espérantophone et à l’école en allemand. Les progrès dans la langue 2  nourrissent ceux de langue 3 et inversement. Si elle n’avait disposé que de l’allemand, je pense qu’elle aurait été noyée par les difficultés car elle n’est pas scolarisée en section bilingue. En complétant avec l’espéranto, sa langue paternelle, la situation devenait acceptable et humainement soutenable. Je l’ai mise dans un train et je l’ai récupérée au même endroit 15 jours plus tard. Entretemps, elle a dû gérer seule. Elle n’avait même pas de téléphone portable car il ne fonctionnait pas.

Nous avons recommencé cette année en l’envoyant dans un autre länder et durant 3 semaines. Nous l’avons récupérée sur notre lieu de vacance où venait également sa famille d’accueil. Comme nous étions en Allemagne, nous avons pu constater les progrès accomplis en allemand en faisant nos courses avec elle. Sa prononciation n’est pas celle d’un locuteur natif, et c’est difficilement rattrapable car elle n’a pas grandi en allemand, mais la fluidité et l’assurance est là.

Les progrès en espéranto sont plus faciles à évaluer car nous avons également accueilli ses amies que nous avons scolarisées dans notre collège de secteur. De la même manière, leur niveau de français ne serait pas suffisant pour être immergées toutes seules pendant plusieurs semaines dans un collège français. Le secret est que celle qui reçoit fait l’interprète de liaison pour son amie. Durant plusieurs semaines elle va jongler entre la langue locale et l’espéranto. Je suis admiratif quand je vois le niveau qu’elles ont atteint, et nous avons même été obligé de les freiner, car sinon les progrès dans la langue du pays d’accueil ne sont pas suffisants ! Elles se débrouillent tellement bien qu’un enseignant allemand n’a rien remarqué. Il a eu l’espéranto sous les yeux pendant deux semaines et il a cru que son élève, qu’il connait pourtant, parlait couramment français avec la petite française !

Et les voyages ? Pars-tu en famille découvrir le monde et pratiquer les langues étrangères ? Nous nous servons du réseau espérantophone à chaque fois que nous devons voyager, qu’il s’agisse de déplacements professionnels ou en famille. Nous sommes allés en Pologne, en Hongrie, en Serbie, en Croatie, en Suède, en Tchéquie, en France aussi, où nous avons rencontré des familles multinationales ou mononationales comme nous, en provenance d’Allemagne, Suisse, Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Norvège, Suède, Finlande, Russie, Pologne, Tchéquie, Hongrie, Serbie, Croatie, mais aussi du Brésil, Uruguay, Japon, Corée. A chaque fois, j’essaie d’apprendre les rudiments de la langue locale même si je n’ai pas la compétence dont certains espérantophones font preuve. Je connais quelques traducteurs qui ont entre 5 et 10 langues de travail !

 

Et pour aider Cyrille à relever son défi, j’appelle toutes les familles bilingues à le contacter ici pour témoigner.

 

 Crédit image : zazzle.fr

 

 

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