Julien, 27 ans, des études d’ingénieur informatique, un boulot bien payé, une vie parisienne confortable… a eu brusquement envie de choisir sa vie, de découvrir le monde, de s’enrichir de rencontres.

« Ancien consultant à Paris, j’ai décidé de quitter mon travail pour partir à l’aventure, et faire le tour du monde à pied, avec 5 euros par jour. Mon objectif est d’aller à la rencontre de l’humanité, de partager un mois, un jour ou même une heure du quotidien des habitants de chaque contrée que je vais visiter. Je ne veux pas survoler d’un orgueil occidental des régions entières depuis le confort d’une excursion touristique, avant de prendre un bon repas dans un hôtel climatisé. Quand je le pourrai, j’essaierai de trouver du travail, pour pouvoir rester quelques jours de plus et puis, quelle meilleure façon de découvrir la vie locale que de la vivre soi même ? »

Il est parti de France en juillet 2011.  Son itinéraire prévoit de passer en Suisse, Italie,  Slovénie, Croatie, Serbie, Bosnie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie, Turquie, Géorgie, Azerbaïdjan, Iran, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Tadjikistan, Kazakhstan, Chine, Vietnam, Laos, Cambodge, Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Australie, Nouvelle-Zélande, Chili,  Brésil…

Les deux piliers de mon voyage sont les suivants :
– voyager lentement, pour ne rien rater
– voyager à faible budget, pour faciliter les rencontres

 

 

Julien est actuellement en Serbie où il a trouvé un travail pour 3 mois.

Comment se passe ta vie d’expatrié à Belgrade ? Parles-tu serbe ? Très bien. J’ai parfois l’impression que la vie ne manque pas d’ironie. Le boulot que j’ai trouvé est presque identique à ce que je faisais sur Paris, mais avec davantage de liberté, de responsabilités et de reconnaissance. Le tout avec une vraie dimension internationale puisque je bosse avec une équipe mi-serbe mi-américaine. Et un salaire qui me donne un pouvoir d’achat largement supérieur, dont je profite pour louer un 55m2 en plein centre ville. Si je voulais booster ma carrière, j’aurais tiré le billet gagnant.
Mon seul regret, c’est que mon arrivée à Belgrade a stoppé ma progression en serbe. Je commençais à m’en débrouiller pas mal, et je stagne depuis que je suis là : tout le monde parle anglais.

As-tu prévu la durée de ton périple ?   Indéterminé. J’ai d’abord pensé 5, puis 8, puis 10 ans. Et rapidement j’ai compris qu’en réalite je ne fais pas une parenthèse avant de revenir à la « normale ». J’ai changé de mode de vie, et le voyage est désormais la normale pour moi. La question est plutôt l’inverse maintenant : chaque fois que je m’arrête, pour quelle durée je m’arrête. Je dis pas que je ne changerai jamais d’avis, mais à l’heure actuelle, je n’ai pas prévu de retour.

Quels sont les moyens de transport  que tu utilises ? Exclusivement à pied ?Presque exclusivement à pieds. En fait j’accepte le stop proposé spontanément, dans la limite d’une 20aine de kilomètres. J’ai levé le pouce une fois pour essayer, en Croatie, et j’ai décidé de ne plus le faire, j’ai eu l’impression d’avoir raté tellement de choses.
Après, le principe de fond est de voyager lentement par rapport aux opportunités de rencontre. C’est une notion relative. Je pourrais tout à fait traverser un désert à vélo ou à moto, vu que je ne raterais que peu de rencontres (j’envisage le vélo pour le désert de Gobi par exemple). Je ne recherche pas le défi sportif, alors je reste à l’écoute de mes envies et je ne m’interdis pas des incartades. Ce sont plus des fils directeurs que des règles strictes que j’ai.

Raconte-nous ton aventure de 100 km en radeau ? (plutôt 180km en réalité avec les méandres). Typiquement une envie. Une folie, en voyant la rivière sur la carte, j’ai eu une idée. J’ai dit à mon acolyte (Florian, voir plus bas) : j’ai une idée à la con. Et on est partis, au lieu de se diriger vers Belgrade, on a rejoint la Drina. Ça a été une expérience fascinante, de la conception du radeau sur mon carnet à la construction avec des matériaux de récup qu’on a baladés dans Bajina Bašta sous les yeux des habitants médusés. Tout le monde nous disait que c’était impossible, trop dangereux, trop froid en décembre, pas assez solide, trop de problèmes avec la police (la rivière longe la frontière). Alors le jour du départ, on avait une vingtaine de personnes pour assister à la mise à l’eau, il y avait de la pression : quel ridicule si on coulait d’entrée de jeu. Mais non, on a pu monter sans encombre et entendre les gens nous encourager. Alors j’aime imaginer que chacune des personnes présentes, le jour où elles croiront à nouveau quelque chose impossible, y réfléchiront au moins à deux fois en se souvenant de nous. Pour le reste de l’aventure, je vais renvoyer à mon site, il y a plusieurs posts complets sur l’aventure du radeau, de la construction au naufrage sur l’île en passant par le franchissement du barrage.

Tu as loué un appartement à Belgrade pour les 3 mois de ton séjours. Comment te loges-tu pendant ton voyage ? Camping, squat, invitations ? Je suis un citadin dans l’âme, alors j’essaie de rester dans des endroits habités. Avec un peu d’habitude on trouve toujours un abri. Grange, ruine, hangar, toit d’immeuble, terrasse de restaurant. Quand il fait beau, on a les plus belles chambrées qui soient. J’ai passé des nuits au sommet de châteaux en Italie ou sur les plages croates, m’endormant en regardant scintiller les étoiles. Et puis je rencontre souvent du monde. Je pense que pas loin d’une nuit sur deux je suis invité. Mais c’est très irrégulier : 5 jours d’affilée, rien pendant 3 semaines, 10 jours d’affilée… Maintenant je vais ajouter une tente à mon sac, parce que je vais être rejoint par quelqu’un.

As-tu trouvé des compagnons de voyage ? Sur la durée, Florian (sur la photo). Croisé sur un forum de voyage quand j’étais à Sarajevo, il voulait se balader en Europe pour une année de césure dans ses études. Ça avait l’air de coller, et puis bon l’avantage à rencontrer du monde après être parti c’est qu’on est libre : à la minute où ça ne colle pas on peut juste se dire au revoir et aller chacun de son côté. Rien de tel ceci dit, 5 mois après on fait toujours équipe, et même si on marche moins pendant la pause à Belgrade, on écume les bars ensemble une fois la nuit tombée.
Pour la suite… j’ai rencontré une charmante parisienne récemment. On partage beaucoup de choses, des valeurs, une envie de voyager, et des sentiments l’un pour l’autre. Nous avons prévu de continuer le voyage ensemble.

As-tu déjà fait quelques belles rencontres ? Tellement !

Tu as fait l’acquisition d’une balise GPS. Est-ce pour rassurer ta famille ? Oui. Et pour moi aussi, pour avoir la trace de mon passage. Et pour les personnes qui suivent mon voyage même quand j’ai pas de connexion 🙂

Ton budget quotidien de 4 à 5 euros est-il suffisant ? Ça dépend des endroits et des moments. En Suisse j’ai dépassé (7~8), en Italie aussi (6), depuis je m’y tiens. Sauf dans les grandes villes où je m’autorise un peu plus, notamment pour avoir la possibilité de goûter à la vie nocturne qui fait partie, pour moi, de la culture. Il faut noter que seule la nourriture est inclue. Par exemple, en arrivant en Serbie, j’ai acheté un livre de grammaire à 17€, il n’est pas compris dans le budget. L’idée là encore, c’est que c’est une ligne de conduite qui définit un mode de vie, pas une règle stricte. Je préfèrerai déborder ponctuellement plutôt que me forcer à dégrader mes conditions de voyage au point de mal le vivre (concrètement, un bon restau tous les deux mois ça fait sacrément plaisir). Enfin bon, en Serbie pour 4€ on se fait deux repas corrects, une bière et un thé dans un bar. C’est loin d’être la misère.

Routard, voyageur, aventurier, touriste, comment te définis-tu ? (note de Sylvie : j’ai lu un de tes échanges sur Voyageforum sur la nécessité de prendre des guides de voyage…) Héhé. Voyageur j’imagine. J’essaie d’éviter touriste, parce que même si le sens est correct, l’image et les connotations sont ceux d’un mode de voyage que j’abhorre, orienté consommation. Un peu le McDonalds du voyage : je passe 8 jours sur une plage à boire des cocktails, 2 jours à visiter les trois villes du coin bien encadré par le guide et surtout sans se séparer du groupe des fois que les autochtones mordent et « j’ai fait la Tunisie ». Routard a également fini par succomber à la même tendance. Aventurier, mais pour moi c’est un mot large, vivre c’est déjà une aventure en soi. Pourquoi pas nomade ?

 

Suivre les pérégrinations de Julien sur son blog  www.etherdream.org

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